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Nouveau Départ - Deuxième partie



...


Augustine est une enfant fragile. Du haut de ses douze ans elle a toujours vécu dans l’ombre de son jeune frère qui appréhendait tout l’espace. Profitant du silence de celui-ci, elle se décide à prendre la parole.

- Papa, maman est au courant de ce qui se passe ?

- Comme tout le monde, je suppose. Elle a dû s’apercevoir que la fin de la technologie que l’on vient de subir avait lancé le compte à rebours final. Elle n’a pas pu revenir à temps de chez sa mère qui insistait pour lui parler de vive voix avant que le téléphone soit hors d’usage. Elle m’accompagne dans nos pensées de ce soir.

- Qu’est ce qu’on va devenir papa ? Commence à s’interroger Jules.

- Tout ou rien, les papas n’ont pas cette réponse. Le mien n’est jamais revenu me la donner quand il est décédé d’un accident de voiture quand j’étais petit.

- Mais j’ai presque rien vécu dans ma vie ! S’indigne Augustine.

- Je sais, mon ange. J’espère que tes vies passées t’ont plus gâtée.

- J’ai déjà vécu avant ?

- Je ne sais pas, peut-être. Quoiqu’il en soit j’ai toujours entendu que l’espoir faisait vivre. Ce soir il faut que l’espoir nous fasse mourir. Approchez-vous, prenez place dans mes bras. Préparez-vous à la fin de l’Histoire qui nous attend. Peut-être reviendrons-nous dans une humanité plus sage, moins commandée par le pouvoir que peut donner l’argent ou même une religion sur son prochain.

- C’est ta jambe Augustine ? Lui demande Jules.

- Non, même adulte elle n’aurait pas été aussi poilue, réplique Augustine d’un ton ironique agacé.

J’ai reconnu là mon chien qui réclamait sa gamelle tous les soirs à dix-neuf heures. Il était donc dix-neuf heures.

- Oh mon toutou, vient de comprendre Augustine, je crois bien que tu vas devoir sauter un repas.

J’entends son frère sourire, au son de sa respiration. Mes enfants n’allaient pas voir mourir leur chien. Ils n’allaient pas davantage voir mourir leur père, ni eux-mêmes bien sûr. J’étais du genre à ne retenir que les points positifs des situations. Pour notre dernier soir, s’il n’y en avait que trop peu, il y avait au moins celui-là.

- J’ai faim, annonce Jules.

- On s’en fout, lui répond sa sœur, de ce ton agressif qu’elle emprunte si souvent.

Mes enfants ne se détestaient pas. Disons qu’ils avaient chacun pour priorité absolue de se faire aimer de leurs parents, surtout au détriment de l’autre.

- Les enfants, épargnez-moi vos disputes s’il vous plait. Je pense qu’on a plus le temps pour ça. Vous n’étiez pas obligés de vous aimer, je vous l’ai toujours dit. Par contre vous deviez vous respecter et, jusqu’à la mort, j’avais omis de le préciser.

- Pardon Jules, murmure Augustine.

Les larmes d’Augustine coulent. Elle cherche son frère de ses bras et le saisit fort. A mon tour je serre mes enfants dans le creux de mes bras, avec la puissance de la protection paternelle qui me fait pourtant défaut. J’aurais donné ma vie pour les protéger. Mais j’allais partir avec la leur, incapable de les secourir davantage. Et leur maman, à quoi pense-t’elle en ce moment ? Quel a été son dernier sujet de conversation avec sa mère ? Pourquoi n’a-t-elle pas pu rentrer à temps ?

J’allais mourir avec ces dernières questions banales qui resteraient sans réponses. Ce soir, une seule réponse me serait apportée, à une question plutôt universelle. Y a-t-il un après ou pas, comme il y aurait eu un avant dont nos naissances nous auraient privés de souvenirs ?

Je ferme les yeux et je me vois enfant. Je suis sur une autoroute qui mène à Paris en train de choisir le modèle de voiture que j’aurai plus tard, comme si j’allais retrouver les mêmes automobiles au moment de mes premières heures de conduite. Il faut dire que j’avais toujours aimé anticiper les choses.


Dans le même état d’esprit, j’ai souvenir du jardin de mon grand oncle où je m’entraîne avec un bâton pour le service militaire qui me fait déjà peur. Je n’imaginais pas un jour que ma génération en serait exemptée.

Maintenant c’est le lycée qui habite mes pensées. J’y revois cette jeune fille studieuse en classe, tout juste au premier rang. Moi, l’énervé du fond de la classe qui n’imaginait pas qu’elle me ferait un jour de si beaux enfants. Je me replonge dans leurs naissances. Je suis en train de filmer leurs premières minutes de vie. A chacun de ces événements je ne perds pas la trace des dames en blanc jusqu’à l’apposition des bracelets d’Augustine et de Jules. Parfois ils sont sages, parfois ils se mettent à hurler dans la maternité. C’est tout leur papa.


Le temps s’est écoulé à présent, dans l’ennui de l’obscurité. Ca fait bien une heure que mon chien a réclamé sa gamelle. Je ne l’entends plus d’ailleurs, il a dû sortir.

Plus de dispute entre mes enfants, c’est étrange.

Soudainement, la lumière se rallume, dans un profond silence. Il n’y a plus de murs dans la maison, ni même de meubles. Tout a disparu. Je cherche mes jambes, mes bras et mes mains qui fuient mon regard.

Mais où sommes-nous ?

F I N

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